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Gabon : Qui pour déclencher la transition?

Transition, transition, un concept de plus en plus à la mode ces temps derniers au sein de la classe politique gabonaise. Plus récemment, c’était à  Barro Chambrier et à Paul Mba Abessole de l’évoquer. Mais d’autres, et non des moindres, comme Paul Marie Gondjout, Zacharie Myboto, Jean Ping et le Cercle des Notables avaient, eux aussi,  abordé cette question de la transition. Et la situation malienne la rend encore plus d’actualité.

D’ailleurs, un confrère  de la place n’a pas hésité à y faire allusion et, même, à s’en inspirer : «  le cas malien est rééditable partout en Afrique » (sic) écrit-il. Mais, avant la question de savoir si, au Gabon,  pour reprendre la formule célèbre de Mao, « Le pouvoir est au bout du fusil» comme au Mali, examinons comment certains acteurs politiques gabonais posent ce problème de la transition.

En juillet 2017, Paul Marie Gondjout (PMG), se défendant d’être l’envoyé de son président et beau-père, Zacharie Myboto, était clair dans ses souhaits pour résoudre la crise gabonaise  : « remettre les compteurs à zéro et qu’une transition soit mise en place pour préparer des élections générales qui désigneraient de nouvelles autorités légitimées par le suffrage universel…Je souhaite que chacun de nous dans nos partis puissions partager cette option comme d’une solution possible pour trouver une issue au blocage politique auquel le pays est confronté». PMG insiste, pour disqualifier désormais Jean Ping, sur le fait que « la communauté internationale le balade sans jamais reconnaitre formellement sa victoire contrairement à d’autres pays pour lesquels ils ont vite agi pour redresser la vérité des urnes. Faut-il alors se croiser les bras et regarder, moi je dis non ! C’est pourquoi je dis que le départ du pouvoir d’Ali Bongo est le premier élément de la sortie de crise et je suggère ensuite la mise en place d’une transition pour préparer les fondements d’une nouvelle République et l’organisation d’élections générales à une échéance arrêtée consensuellement » Le préalable à une transition, selon PMG, est donc le départ d’ABO.

Les Notables de la République, eux, ont préconisé en mars 2018 un autre préalable : « une Réconciliation nationale…- Nous avons besoin de nous réconcilier. Nous invitons donc tout le monde à la Réconciliation. Nous reconnaissons que l’idée des dialogues allait dans le bon sens. Ce que l’on peut  regretter, c’est que chacun de ces instances n’ait tenu aucun compte de l’autre. Nous, nous avons lu les conclusions ou les recommandations de l’un et de l’autre, – notre principe social étant non pas « c’est toi ou c’est moi », mais plutôt « toi et moi ». Des choses fort intéressantes, utiles pour notre pays y ont  été dites, pourquoi n’en ferions-nous pas une synthèse afin que nous en profitions tous ? » Ce préalable de la « Réconciliation nationale », les Notables l’expliquent par le fait que « nous avons raté tous les tournants historiques où nous aurions pu mettre en place des institutions nous permettant de faire émerger chez nous un vrai système démocratique… Le premier est relatif à notre accession à l’Indépendance… nous étions divisés en deux camps: l’un composé des partisans de l’indépendance immédiate, l’autre de ceux pour l’indépendance après une expérience sous le régime de Département d’Outre-mer. … Au lieu de nous concerter à la manière de nos ancêtres afin d’arriver à un consensus… Nous étions à nous quereller, comme des enfants, alors qu’ailleurs on décidait de notre sort. Devons-nous encore adopter, présentement, notre comportement en 1960 ? Le deuxième exemple, poursuivent les Notables, est celui de la Conférence Nationale du 23 mars au 19 avril 1990… Malheureusement, ici, comme en 1960, on n’a pas réussi à parvenir à des consensus forts pour marquer l’avenir de notre pays. Quelques mesures, en réalité marginales, furent prises pour un futur incertain. En fin de compte, ce tournant fut raté lui aussi. Car, le 19 avril 1990… nous nous sommes trouvés divisés en deux camps dans deux salles différentes… » Cette description d’une sorte « de cycle infernal d’éternels recommencements » semble fonder la nécessité de cette revendication de Réconciliation nationale  « avant, pour reprendre les propos de ces Notables, d’entreprendre quoi que ce soit ».

Quant à Jean Ping, toute idée de transition ne peut intervenir qu’après la « libération » du Gabon. « Ce Gabon libéré, argumente Ping dans son discours du 16 août 2020, est à notre portée. Ce Gabon est à nous tous. C’est pourquoi je renouvèle ma confiance aux patriotes de tous les bords et tous les camps politiques, de toutes les confessions religieuses, de tout le champ de la société civile, aux femmes, aux jeunes, et à la diaspora…Comme dans de nombreux exemples de l’histoire des nations, c’est ensemble et solidaires que nous sortirons le Gabon de l’impasse des solutions provisoires, des agendas cachés et, surtout, de la fuite en avant de ceux qui ont l’illusion d’aller en 2023. Je suis à la tâche pour achever avec les forces vives ainsi impliquées l’action menée depuis 4 ans. Pour poser avec ces forces et toutes les bonnes volontés le cadre favorable à une issue toute proche. » Autrement dit, ok pour une transition mais seulement et seulement si Jean Ping occupe le fauteuil présidentiel.

Toujours le 16 août dernier, Barro Chambrier se prononce sur la question : « «Je pense qu’il est nécessaire de trouver sans plus tarder des voies et moyens pour sortir de la situation politique actuelle pleine d’incertitudes et qui,  si nous n’y prenons garde, risque à terme de déboucher sur une impasse»  et. «A cet égard, nous sommes un certain nombre de personnes à considérer que dans la situation actuelle, une période de transition s’impose. Toutefois, on n’en voit pas clairement les contours. Après une déclaration de vacance de pouvoir ? Si oui, le processus, comme l’ont d’ailleurs rappelé fort justement d’autres confrères, ne conduit nullement à une transition mais à une élection présidentielle anticipée, comme en 2009. Si c’est avant, qui en prendrait l’initiative ?

Pour Paul Mba Abessole, il ne semble pas utile de passer par cette déclaration de vacance. L’ancien Bûcheron en chef estime nécessaire de mettre en place un « Conseil de la Transition ». Une proposition qui exhale comme un parfum de Rassemblement Social-Démocrate Gabonais (RSDG). Avant de s’engager dans son examen plus pointilleux, une question s’impose : qui en prendrait l’initiative ? En 1990, ce fut Omar Bongo Ondimba en personne qui mit politiquement entre parenthèses et son parti et son Assemblée nationale. Il déclencha officiellement la Conférence nationale, nouveau cadre de discussion qui devait théoriquement ouvrir une longue période de transition au lieu d’opter pour le multipartisme immédiat. Qui peut/doit examiner l’opportunité de déclencher une transition au Gabon aujourd’hui si on exclut guerre civile, insurrection, et coup d’Etat ?  En tous cas, ce n’est certainement pas Marie-Madeleine Mborantsuo. Cette dernière ne peut qu’enclencher une élection.

Stéphane MWAMEKA

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