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Affaire Enfants du CES d’Akebe morts à la plage en 2018: les familles relancent les procédures judiciaires 

Les familles des jeunes Warris et Darlin ont déposé une nouvelle plainte auprès du Premier  Cabinet d’Instruction (Doyen des juges d’instructions) avec Constitution de Partie civile du tribunal de Libreville, lundi dernier pour dénoncer la mort suspecte de ces deux enfants en mai 2018.

Au lieu d’une noyade et au vu de l’état des corps, les familles penchent toujours pour la piste des crimes rituels.

C’est une énième démarche en justice, plus de deux ans après les faits, que les familles de deux jeunes Warris Nziengui, 15 ans, et Darlin Stessy Boukika, 14 ans, ont tenté lundi 28 septembre 2020, en portant plainte auprès de la première juge d’instruction du tribunal de première instance de Libreville.

Paulin Boukika, le père de Darlin, s’est chargé de déposer le document et prévoit d’ajouter d’autres éléments au dossier.

Cette saisine du Juge d’instruction,  devrait conduire à la réouverture d’une enquête conformément à l’article 32 du Code de procédure pénale  qui dispose que : » Le       juge         d’instruction      est    chargé      de    procéder   aux  informations,    en    vue         de    parvenir    en     toute impartialité,       à       la      manifestation     de     la         vérité         dans les     affaires      pénales     les     plus  graves      et      les     plus         complexes. »

Les familles avaient pourtant déjà déposé plusieurs plaintes en justice en 2018 et 2019 et notamment auprès du procureur de la République. Les parents de Warris et Darlin s’étaient aussi rendus à la Police judiciaire ou à la Direction générale des recherches. Le tout, sans retour jusqu’à ce jour.

Même la proviseure du CES d’Akebe, où étudiaient les deux adolescents en classe de 4e, Mme Marie-Jeanne Dingue, ne s’est jamais prononcée ouvertement ni entendu  par les autorités judiciaires  sur la mort des élèves de son établissement.

Pas non plus d’hommage officiel aux disparus dans le collège

Pour rappel, Warris et Darlin avaient été retrouvés morts le 26 mai 2018 par des pompiers sur la plage du lycée Léon Mba à Libreville, après avoir disparu le 25 mai 2018 sur cette même plage.

Ils étaient partis fêter la fin de l’année scolaire avec leurs amis, et le soir, sur initiative du CES d’Akebe, certains élèves étaient invités à la nuit des arts martiaux au palais des sports de Libreville.

Un autre enfant, Sissoko Marifoune, lui aussi en 4e au CES d’Akebe et voisin de Warris à Kinguélé, avait été découvert mort sur la plage le 26 mai 2018. La famille de Sissoko, d’origine malienne, n’avait pas souhaité avoir d’ennuis avec les autorités de leur pays d’accueil et n’ont pas engagé de démarches.

 Les disparitions des enfants avaient été relayées en premier lieu sur les réseaux sociaux fin mai 2018. Des post faisaient état de la disparition d’au moins 15 enfants le 25 mai. L’affaire avait alors fait du bruit jusque dans les médias et même sur TV5 monde.

Un reportage diffusé le 10 juin 2018 donnait la parole à la famille Nziengui, notamment le père de Warris, Théophile Nziengui, qui parlait de la mort suspecte de son enfant.

Ce n’est qu’après le battage médiatique que les autorités se sont exprimées sur le sujet.

Le 12 juin, Steeve Ndong, alors procureur de la République, parlait dans un communiqué de “noyade” pour les trois corps retrouvés – ceux de Warris, Darlin et Sissoko.

Dans le même communiqué, il faisait mention de la mort d’un autre adolescent par “noyade”, Esso Edou Jacques, du collège privé Saint Dominique, retrouvé début juin, mais qui ne s’était pas rendu à la plage le 25 mai contrairement à Darlin, Warris et Sissoko.

Pour les trois enfants du CES d’Akebe, aucune autopsie n’a été réalisée: pas de demande du procureur et sinon trop chères pour les familles. Celles-ci remettent donc toujours en cause la thèse de la noyade… surtout au vu des traces de mutilations sur les corps des victimes.

Corps mutilés: yeux, sexe coupé, entailles… 

Les corps de Darlin et Warris présentaient clairement des traces de violences. Photos à l’appui prises à la morgue de Gabosep, le père de Darlin, Paulin Boukika démontrait  qu’à la place des yeux de son enfant, on voyait clairement deux trous bien circulaires. Plus les yeux, donc, mais aussi un bout de sexe manquant… sous le caleçon de l’adolescent.

Il ne pouvait donc pas s’agir de poissons, comme avaient rétorqué certains membres des forces de l’ordre, précisait alors Paulin Boukika, lui-même militaire de profession.

En plus de ces mutilations, le père remarquait des traces d’entailles au niveau des pieds et des mains, comme si l’enfant avait été attaché par cordes. Avec des traces d’égratignures et des hématomes. Enfin, le ventre n’était pas gonflé, la peau n’était pas décapée.

Paulin Boukika ne pense pas que Darlin soit resté longtemps dans l’eau. Plutôt qu’une noyade, il y voit les traces d’un crime rituel.

C’est d’abord la mère de l’enfant, Naomie, séparée de Paulin, qui avait pu identifier le corps de Darlin. Elle avait remarqué les mêmes traces de violences et avait donné une interview dans l’hebdomadaire Echos du Nord.

Au moment où M. Boukika se rend à la morgue, il est amené à reconnaître Darlin au milieu de neuf corps d’enfants, tous dans des casiers qui ont été tirés devant lui, se souvient-il.

C’est parmi quatre corps d’enfants “avec du sable sur eux”, que la famille Nziengui est amenée à reconnaître Warris dès le 26 mai 2018 à Gabosep.

“Il y avait des traces d’hématomes sur le côté gauche de sa joue, qui partaient du bas de la joue jusqu’au niveau du front. Son œil était tuméfié. J’ai aussi pu retourner le corps, et l’enfant présentait au niveau de la nuque une espèce d’entaille. La tête était encore baignée dans du sang”, expliquait le père de Warris, Théophile Nziengui, dans un article du site Gabonrevie,  il y a quelques mois.

La Police judiciaire (PJ) où ils s’étaient rendus le 28 mai 2018 leur avait déjà parlé de la thèse de la noyade. De même, les agents ne semblaient pas très collaboratifs, se rappelle M. Nziengui. Le téléphone de Warris est d’ailleurs encore à la PJ, précise-t-il.

Le juge d’instruction  parviendrait t- il à démêler le vrai du faux ?

Wait and see.

 

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