Au lendemain du prolongement de l’état d’urgence sanitaire de lutte contre le covid-19 au Gabon, l’Archevêque, Jean Baptiste Moulaka, Porte-parole du Collectif des leaders religieux pentecôtiste et charismatiques de réveil, s’insurge sur cette décision et entend emboiter le pas aux Catholiques qui envisagent rouvrir leurs lieux de culte, avec ou sans accord du gouvernement, à compter du 25 octobre prochain, sur l’ensemble du territoire national.
NB : cette interview a déjà été publiée dans l’Hebdomadaire du 08 octobre 2020
Excellence, le gouvernement gabonais vient de proroger de 15 jours l’état d’urgence sanitaire de lutte contre le covid-19, en maintenant la fermeture des Eglises, comment avez-vous accueilli cette nouvelle au moment où vous vous attendiez au déconfinement définitif ?
Archevêque Jean Baptiste Moulaka : Je ne sais pas si les 15 jours de prorogation de l’état d’urgence sanitaire contre le coronavirus sont déjà officiels, mais à ce que je sache, on parle de 45 jours, bref… quel que soit la décision prise en la matière, je tiens à dire à l’opinion que je suis très irrité par le mépris affiché au vu et au su du gouvernement gabonais vis-à-vis des hommes de Dieu que nous sommes. En témoigne la dernière interpellation abusive dont j’ai fait l’objet récemment à mon église par les forces de police, en violation des franchises de l’Eglise. Parce que les agents armés ne doivent pas franchir les portes d’un lieu de culte, par respect pour l’Eternel Dieu, d’une part et par séparation de pouvoir entre l’Etat et l’Eglise, d’autre part. Le Ministère de l’Intérieur n’ira jamais arrêter l’Imam Oceni dans sa mosquée, l’Archevêque Jean Patrick Ibaba à l’Archevêché, encore moins le Président de l’Eglise Evangélique du Gabon, le Révérend Pasteur Augustin Bougouene. Et c’est l’occasion de rappeler ici au peuple gabonais que les Catholiques, c’est le Vatican, les Musulmans, l’Arabie Saoudite, et les Protestants, les Américains et Anglais.
Or, nos Eglises sont issues du terroir. D’où le mépris affiché ouvertement par leurs propres fils qui sont au gouvernement. Parler de Pasteurs Gabonais, c’est du mépris pour ces gens-là. Le siège de l’église Bethsaida, comme toute autre église reconnaissant Jésus christ comme Seigneur et Sauveur, est l’Ambassade du royaume de Dieu sur terre. Ce n’est pas parce que je suis natif du pays que les autorités doivent me mépriser et me font arrêter comme un voleur ou un brigand. Pire, le ministre de l’Intérieur va jusqu’à dire que j’ai fait une défiance à l’autorité publique qu’il incarne. Je tiens à rappeler que les Chrétiens de réveil représentent aujourd’hui 20% de la population gabonaise, soit 400.000 fidèles. A Libreville, il y a 3000 pasteurs de réveil et 5000 pasteurs à l’intérieur du pays, soit 8000 pasteurs de réveil qui sont au pain sec depuis plus de 7 mois. Si on vient attaquer un Général d’une telle armée, vous vous attendez à quelle riposte. A peine mon interpellation connue que 250 personnes étaient déjà autour du commissariat de Nzeng-Ayong. Evitons donc à ce que de tels actesse reproduisent, si on veut préserver un climat de paix social dans le pays.
Vos confrères, dans la foi chrétienne, notamment les Evêques catholiques, viennent d’annoncer l’ouverture prochaine de leurs lieux de cultes pour le 25 octobre 2020 prochain, soutenez-vous leur position et où en êtes-vous, à ce sujet, dans votre confession religieuse après la tentative d’ouverture avortée de vos assemblées de prières du 12juillet 2020 dernier?
Le Collectif des leaders religieux pentecôtistes et charismatiques de réveil par ma voix, soutient avec fermeté la décision prise le 04octobre 2020 dernier par les Evêques catholiques, au terme de leur Assemblée Générale extraordinaire tenue dans le diocèse d’Oyem, au nord du Gabon. Et cette posture des Catholiques prouve à suffisance qu’ils se joignent à notre combat de réouverture définitive des Eglises entamée depuis le 12 juillet 2020 dernier, mais avortée du fait que le gouvernement nous avait fait croire que la réouverture allait être imminente. Des commissions furent même mises en place pour étudier toutes les voies nécessaires pour une réouverture avec le respect des mesures barrières. Malheureusement, après ce travail laborieux avec les membres du COPIL, nous ne comprenons plus ce qui se passe aujourd’hui. Le gouvernement ne souhaitant plus dialoguer avec nous.
En attendant la réouverture des Eglises, comment faites-vous pour survivre ?
A Port-Gentil, un de nos pasteurs, Brice Nguelet a été arrêté lundi 5 octobre 2020,et mis en prison par le Procureur de la République, parce qu’il a été surpris en plein culte avec quelques fidèles. Je vous ai dit que nous avons 8000 pasteurs sur l’ensemble du territoire national et les 3/4 ne vivent que des quêtes et dîmes des fidèles. Puisque depuis plus de 7 mois, les églises sont fermées, le gouvernement gabonais n’a rien prévu pour nous soutenir durant cette période difficile. Vous imaginez les conséquences. Plusieurs de nos Pasteurs sont mariés avec enfants, comment doivent-ils faire pour subvenir à leurs besoins élémentaires, lorsque l’Etat ne leur vient pas en aide ? ce n’est un secret pour personne, le Pasteur vit du Temple. Le mois prochain, c’est la rentrée scolaire, comment allons-nous faire pour scolariser nos enfants ? J’ai cru entendre que le gouvernement aurait donné un milliard de francs CFA à chaque confession religieuse, si on divise 1 milliard à8000 pasteurs chaque pasteur devrait se retrouver avec 125.000 FCFA, qui peut vivre avec telle somme en7 mois de fermeture des Eglises ? Qu’est-ce qu’on peut faire avec untel montant aujourd’hui ? Cela s’apparente à une insulte voilée aux Hommes de Dieu que nous sommes.
Dans mon Eglise, j’ai des pasteurs permanents. Ces derniers ne sont pas payés depuis bientôt 8 mois. De qui se moque-t-on en faisant croire à l’opinion que l’argenta été donné aux pasteurs pour faire face au confinement contre le covid-19? La Bible est claire dans1chroniques 16 : 22 ou dans le Psaume 105 : 15 qu’ « on ne doit jamais touché à un Oint de Dieu et que ceux qui le font aujourd’hui au Gabon s’exposent à des représailles divines à court, moyen et long terme ,s’il ne se répandent pas à temps de leurs fautes et iniquités ».
Aujourd’hui, pour que je vive c’est grâce aux 2 églises que j’ai aux Etats-Unis. Elles m’envoient mensuellement l’équivalent de 300.000FCFA. Je suis un père de famille africaine, avec enfants, neveux, nièces, donc, un tel montant ne peut pas me permettre de subvenir à leurs besoins élémentaires. Le gouvernement avait pris l’engagement de payer le courant et l’électricité à une catégorie sociale, mais au sein de mon Eglise, je n’ai jamais bénéficié de cette aide. A telle enseigne qu’actuellement, je cumule 2500.000 FCFA de dettes d’électricité et d’eau. Autant de choses qui nous poussent à demander la levée du confinement actuel. Car, à défaut de nous venir en aide, le gouvernement devrait nous laisser reprendre nos activités ecclésiastiques pour subvenir à nos besoins, comme par le passé. Surtout que la pandémie est déjà maitrisée ce, d’autant plus que la tendance est baissière. Cette réouverture, nous permettra de nous débrouiller à éponger nos dettes et préparer la rentrée des classes avenir.
Pendant que les Eglises sont fermées, les autres mènent paisiblement leurs activités. Récemment, il y a eu le couronnement de la Reine des eaux entourée de ses sorciers, sans respect des mesures barrières. Cependant, lorsque nous faisons une Assemblée générale, avec respect des mesures barrières entre pasteurs avec autorisation du ministère de l’Intérieur, les policiers sont venus nous disperser. Les Bwitistes exercent tranquillement leurs activités chaque week-end, sans respect des mesures barrières, les Francs-maçons et les Rosicruciens en font autant.
Donc, que le gouvernement revienne sur cette décision de prorogation de l’état d’urgence, pour être à l’abri des débordements aux lendemains incertains au Gabon. Que Dieu Vous Bénisse.
Entretien réalisé par Rufin Martial Oke NZE
